CHEVREUIL

Par Louis Gagnon

MARC RAYCROFT

Peut-on vraiment camoufler complètement nos odeurs?

Il est très difficile de répondre à une question aussi large sans soulever une certaine polémique. Enfin, je vais quand même, encore une fois, me faire l’avocat du diable et tenter une réponse réaliste.

Pour parler intelligemment du contrôle des odeurs, il faut comprendre la sensibilité de l’odorat chez des espèces animales comme les proies (chevreuils, orignaux, castors, etc.) et les prédateurs, tels que les renards, coyotes, loups et félins.

Dans le secteur du contrôle des odeurs, certains produits prétendent tuer les bactéries responsables de certaines odeurs. Il faut cependant savoir que toutes les odeurs ne proviennent pas de bactéries. Mais bon, certains de ces produits sont supposés éliminer complètement les odeurs des vêtements après le lavage. D’autres, lorsqu’ils sont vaporisés, forment une fine pellicule qui capture ou détruit carrément les odeurs. Il existe aussi des produits qui servent à camoufler d’autres odeurs, comme les huiles de sapin, d’épinette, etc.

Certains produits sont conçus pour éliminer les odeurs des vêtements ou des accessoires de chasse. Mais lorsqu’on utilise ces produits il ne faut surtout pas faire l’erreur d’oublier de tenir compte de la direction du vent.

Les trappeurs et le contrôle des odeurs

J’ai commencé à m’intéresser aux odeurs vers l’âge de treize ans, car je rêvais de devenir trappeur professionnel, et les renards étaient ma passion. Qui a le meilleur nez: un canidé, un cervidé, ou pourquoi pas un ours ? Je ne peux pas répondre, et bien malin celui qui pourrait.

Par contre, j’ai eu la chance, grâce à ma passion pour le piégeage, lors de ma formation en biologie à l’université Laval, de rencontrer des passionnés bien plus compétents que moi dans ce domaine. Un technicien de la faune, Roland Lemieux, travaillant pour le ministère, avait poussé ses connaissances des caractéristiques animales de certaines espèces à un point que je crois sincèrement inégalées au Canada, et peut-être même en Amérique du Nord. C’était une personne capable de capturer des centaines de loups, parfois à plusieurs reprises, dans le cadre de nombreuses études. Il a fait de même avec, entre autres, les coyotes et les ours noirs. Ces exploits pourraient remplir plusieurs livres, et ses connaissances sont encore plus vastes.

J’ai eu la chance de discuter pendant des heures avec lui. Il reste convaincu qu’il est possible, avec effort et minutie, de rendre un objet inodore, comme un piège ou un collet, pour les canidés, ou ursidés. En revanche, si l’objet est susceptible de se décomposer (comme des vêtements en matières naturelles), ça se complique.

Pour l’odeur humaine, il m’a expliqué que lorsqu’il nettoyait tous ses vêtements avec des savons sans odeur, qu’il les plaçait dans un bac propre avec des essences d’arbres du secteur visé pour y déposer les collets, il a réussi à capturer et recapturer les mêmes loups sur une base régulière. Les vêtements, c’étaient tous : des bottes jusqu’au cache-nez pour son haleine, sans oublier son masque facial pour éviter de perdre des poils et des cheveux. Avant d’arriver aux collets, il marchait sur des branches de sapin qu’il avait coupées à plusieurs dizaines de mètres.

Je pourrais continuer longtemps avec les détails de ses méthodes. S’il visitait dix secteurs de collets dans une journée, il se changeait dix fois. Il ne gardait pas les mêmes vêtements pour conduire son VTT, etc.

Les produits de camouflage d’odeur, il n’en avait pas besoin. Toutefois, il me disait que pour l’orignal cela lui permettait de s’approcher à contre-vent, plus près, avant d’être détecté. Mais pour le chevreuil il arrivait aux mêmes conclusions que moi après de nombreux tests : peu d’effet, en plus d’avoir le désavantage de faire oublier que le vent est le seul facteur qui peut vraiment tromper le nez d’un chevreuil.

Selon différents spécialistes les produits de camouflage d’odeur ou d’élimination d’odeur seraient plus efficaces pour aider à s’approcher un peu plus près d’un orignal que pour tromper le nez d’un chevreuil à mauvais vent.

Un exemple révélateur

Récemment alors que je me retrouve dans une épicerie à grande surface, je m’aperçois que ça sent le gâteau partout autour de moi. Malgré cette forte odeur sucrée cela ne m’empêche pas de sentir le parfum d’une dame qui attendait derrière moi à la caisse. Juste avant, j’avais aussi senti une odeur de dessous de bras particulièrement forte d’un travailleur. De mon côté, j’avais écorché deux castors dans la matinée, et à chaque fois que mes mains passaient à moins de huit pouces de mon nez, je sentais l’odeur du castor, même si je les avais lavées plusieurs fois, même si l’odeur de gâteau emplissait mes narines et que le parfum de la dame m’envahissait le subconscient. Mon simple nez d’humain était donc capable de gérer quatre odeurs différentes, et je ne comptais pas sur lui pour ma survie. Imaginez un chevreuil dont l’arme principale est son nez!!!

On ne peut tromper le nez d’un chien et encore moins d’un chevreuil…

En 1999, je lisais un article d’un spécialiste, éleveur de chiens détecteurs de drogues et d’explosifs, dans une revue de chasse et pêche. L’auteur, M. Guy Laflamme, a d’ailleurs écrit la grande majorité de ses propos dans mon livre. J’ai aussi passé plusieurs heures à discuter avec lui. Il arrive aux mêmes conclusions que Roland Lemieux. Il est impossible de tromper ces chiens avec l’odeur humaine. M. Laflamme, un chasseur de chevreuil de longue date, croit même que les chevreuils sont encore meilleurs que les chiens pour détecter les odeurs.

Selon le spécialiste des chiens détecteurs de drogues et d’explosifs, Guy Laflamme, il serait impossible de tromper ces chiens avec l’odeur humaine et comme les chevreuils sont dotés d’un flair qui se compare avantageusement aux canidés on peut en dire autant dans leur cas.

Il a fait des tests avec des vêtements Scent-Lok, des déodorants, etc. Les résultats sont toujours les mêmes: le chien trouve l’homme, mais le temps de détection est légèrement plus long avec un habit Scent-Lok. J’ai des amis américains, passionnés par la chasse aux chevreuils périurbains dans les états de Pennsylvanie et du New Jersey, qui utilisent deux Scent-Lok superposés lors des journées où le vent est douteux. Après plusieurs tests, ils ont noté une différence bénéfique. Pour les déodorants et les odeurs de sapins, etc., c’est le même résultat que moi et mes amis : résultats peu concluants.

Des petits tests

Faites juste deux ou trois petits tests. Si vous avez un récipient pour les résidus de table pour le compost, après un ou deux jours, les odeurs sous le capuchon peuvent devenir assez fortes. Vaporiser quelques jets de déodorant et mettez votre nez dessus !!! Ça sent moins, mais ça sent toujours.

Un autre test : un chat a un nez bien moins performant que celui d’un chien. Les chats raffolent de l’odeur de la valériane (une plante) et peuvent la détecter à plusieurs mètres, par vent favorable. Après un ou deux jets de déodorant, ils continuent à pouvoir la sentir, mais à quelques mètres de moins. Il y a donc un ralentissement de la propagation.

Mais de là à dire que trois ou quatre jets détruisent les odeurs de votre linge, de votre sac à dos, de votre arme et de votre corps!!! C’est peut-être un peu exagéré… Je trouve d’ailleurs toujours assez amusant de voir le peu de questionnements des chasseurs sur l’industrie de la chasse au chevreuil en général.

Une dure mais simple réalité

La réalité est simple : rien n’arrive à contrer complètement les odeurs, à part le vent. Et le vent est excessivement difficile à contrôler, car il suit la topographie du terrain, ricoche, passe à travers, tourbillonne, etc. Les produits peuvent tout de même aider si vous vous donnez les moyens de les appliquer très minutieusement, dans les règles de l’art, sans oublier surtout… le vent. Les utiliser en pensant que vous pouvez être moins attentif au vent vous rendra la tâche encore plus difficile. En revanche, si vous restez pleinement attentif aux vents et utilisez ces produits avec doigté, sans compromis, et qu’en plus ces produits vous rendent encore plus positifs, croyants et motivés, alors là, vous tenez peut-être la recette du succès.

A

Ajoutez le texte de votre infobulle ici

B
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Une recette gagnante selon l’auteur serait d’utiliser les produits destructeurs d’odeurs avec minutie (A) tout en tenant toujours compte de la direction du vent (B).

Pour ma part, je n’ai pas l’extrême discipline que requiert le contrôle des odeurs. Et comme je sais qu’il n’y a pas de demi-mesure avec les odeurs, je suis un fanatique du vent. J’essaie de ne jamais chasser sur un territoire qui ne m’offre pas de possibilités de chasse sur certains secteurs à tous les vents. Je change de secteur dès que j’ai des doutes sur la direction du vent. C’est d’ailleurs pour cette raison que je déteste chasser des secteurs appâtés, car ils sont tellement faciles à «brûler».

Un paquet d’autres facteurs peuvent influencer votre chasse, mais le vent est, selon mon humble avis, le premier à prendre en compte, et le plus important si vous visez des chevreuils plus âgés.

L’auteur explique l’importance extrême de tenir toujours compte du vent à la chasse aux cervidés.

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